dimanche 28 octobre 2007

Loi commune évolutive et loi locale

Pour la survie de nos sociétés comme pour celle des individus qui les composent, il est bien sûr nécessaire de prévenir, et parfois punir, les violations de la loi commune.

A l'origine nos lois, écrites ou tacites, émanent autant de la nécessité que de la morale dominante dans nos sociétés occidentales, commun dénominateur des principes qui nous guident depuis des siècles (en théorie du moins ;-) Ce qui ne les empêche pas d'être, comme tout en ce bas-monde, frappées d'obsolescence lorsque l'évolution de la société, de plus en plus rapide d'ailleurs, crée un décalage trop criant entre la loi et le mode de vie de ceux qui doivent la respecter.

Est-ce à dire qu'il faudrait modifier les lois tous les quatre matins et, de plus, niveler "par le bas" les exigences morales qui les sous-tendent pour les adapter au contexte ? Non, bien sûr. La morale, et dans une certaine mesure la loi, ont toujours été un guide, un phare qui nous indique le chemin du perfectionnement, de l'adaptation idéale à ses préceptes. N'en faire qu'un reflet des valeurs quotidiennement appliquées serait amputer nos sociétés de ce qui peut les tirer vers le haut, vers le mieux, le plus humain au sens le plus noble, le plus idéaliste du terme.

Mais tout aussi dangereux serait le maintien, par tous les moyens y compris la répression la plus brutale, de garde-fous (loi et morale commune) inadaptés à la réalité qu'ils doivent encadrer. Si une rambarde est à la hauteur des genoux, on bascule par-dessus au moindre mouvement, on ne peut s'y appuyer. Mais si elle frôle les cheveux, il n'est que trop facile de glisser dessous et chuter également. Le problème est de déterminer la hauteur idéale. Celle du coeur, peut-être ?

Qu'en est-il par ailleurs des zones d'une société privées (via le type de maturation de ses membres, par l'éducation et par l'environnement) des critères moraux qui génèrent, et donc justifient, les lois ? L'application aveugle d'une loi incompréhensible, car à des années-lumière du système de valeurs référent dans ce cadre, ne peut qu'aggraver cette incompréhension et amener peu à peu au rejet pur et simple de ce qui est alors perçu comme une répression aberrante et privée de toute justification. La rambarde prévue pour les immeubles voisins est démesurément haute pour celui dont le toit est plus bas que la moyenne. La chute est inévitable et la rambarde n'offre, au mieux, qu'un risque de s'assommer en la heurtant.

Quelle solution alors, puisque la loi doit s'appliquer à tous les membres de la société, en toute ses zones ? La répression ne peut qu'envenimer la situation, elle est clairement inadaptée. Et la prévention même devient inopérante si les principes auxquels elle permet de se réadapter sont inconnus des délinquants potentiels, s'il n'y a eu aucune adaptation préalable. Inopérante sauf si, sur le long terme, l'accent est mis (par l'éducation scolaire, bien sûr, et l'assistance aux parents pour une éducation familiale plus favorable à l'adaptation) sur l'apprentissage des valeurs morales dont la loi est le reflet et qui la justifient.

Il est injuste, futile et dangereux de condamner, ou même juger, ou même chercher à "ramener dans le droit chemin" celui que rien jusqu'alors n'a incité à suivre cette voie, qui dans sa vie quotidienne en ignore jusqu'à l'existence. Quels que soient ses crimes aux yeux de l'ensemble de la société, il peut fort bien vivre et agir en totale conformité avec les valeurs - y compris morales : solidarité, loyauté au groupe, etc. - qui seules l'ont entouré toute sa vie et forment son cadre de référence.

La réadaptation passe avant tout par la découverte et l'acceptation des principes que l'on est censé suivre pour vivre en harmonie avec le reste de la société, hors de sa propre zone et de ses lois locales. Découverte et acceptation que seule pourrait apporter l'éducation, par l'exemple et l'explication, et surtout par l'ouverture d'esprit, l'humanité, la tolérance et la reconnaissance (comme point de départ) du système de valeurs existant, si "inadapté" soit-il, qui montreraient à l'évidence les côtés positifs et attractifs du système de valeurs que l'on veut faire partager.

5 commentaires:

  1. tout à fait d'accord surtout avec les 2 derniers paragraphes

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  2. PS : c'est d'un échange avec toi que viennent ces derniers paragraphes.
    Je n'ai fait que développer l'idée qui m'était venue alors ;-)

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  3. Je crois que les lois sont le produit et le reflet de la société.

    Elles doivent, au moins en théorie, lui servir de ciment et de ferment.

    Enfreindre une loi, c'est le symptôme d'une non-identification à cette société. C'est la conséquence de l'absence de participation à l'édiction de la norme.

    Tout Citoyen devrait pouvoir s'identifier au Législateur.

    Nous connaissons un problème de représentativité et donc de légitimité.

    Le processus normatif semble souvent abstrait, éloigné des préoccupations quotidiennes.
    Voter, c'est donner sa voix. Mais une voix de plus ou de moins importe peu.

    C'est peut être la démocratie qu'il faudrait rénover. L'amener au Citoyen.
    Tout individu doit avoir le sentiment d'être entendu pour être compris.

    La complexification du droit et l'inflation normative permanente contribuent à l'incompréhension.

    Il faut une réelle proximité entre l'instance décisionnelle et le justiciable/l'administré/le citoyen.

    La proximité ne peut qu'accroître la légitimité.
    On ne s'oppose guère à ce qui nous semble juste et légitime.

    Observer un texte passe aussi par l'égalité des individus devant ce texte.

    Notre fête nationale devrait être célébrée le 4 août et non le 14 juillet.

    Enfin, le législateur devrait s'abstenir de s'adonner à son art sous le feu de la passion.
    C'est la raison qui doit l'inspirer et le guider.

    Que dire quand on répond à un fait divers, aussi sordide soit-il, par une disposition nouvelle dans des matières aussi sensibles que le droit pénal ou la procédure pénale ?

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  4. Grand merci pour ce commentaire, Sébastien. Quoiqu'il soit presque vexant de voir des idées exprimées avec une sobriété et une concision dont je suis bien incapable!

    J'aime et approuve totalement ton opinion que "le législateur devrait s'abstenir de s'adonner à son art sous le feu de la passion" et qu'on ne devrait pas créer ou modifier une loi dans l'ambiance déformante d'un fait divers lorsque l'émotion, si légitime qu'elle soit, oblitère la sérénité nécessaire à une décision aussi capitale.

    Quant à célébrer notre fête nationale le 4 août, je vote pour! Surtout pour la nuit de l'abolition des privilèges, bien sûr, mais aussi parce qu'elle fête quelqu'un qui m'est très cher ;-)

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