jeudi 18 septembre 2008

Explication en forme de plongée

Bon, un poème(?)-cri du coeur ça fait du bien ! Mais pour le coup me voilà en veine de confidences, la Lune bafoue toutes les règles astronomiques et s'exhibe sous toutes ses facettes. C'est comme une éclipse : rare, mais ça arrive...
Voici donc le développement que j'ai commencé à écrire comme journal mais éprouve le besoin de publier, dans ma rage revendicatrice ;)

Il y a trente ans que ça durait. A 18 ans déjà, tous mes copains me confiaient leurs soucis et leurs chagrins. J'étais toujours l'oreille attentive, indulgente, calme. Et intérieurement je me détruisais à petit feu. Un jour même, une fille que je ne connaissais absolument pas, invitée à patienter chez moi devant un café le temps que ma voisine revienne, s'est mise à me raconter sa vie, en commençant au berceau, m'a déversé ses douleurs. Tout dans mon attitude y poussait sans doute.

Et la nuit je pleurais, assise, rigide, toutes ces nuits sans dormir, des nuits de larmes, de douleur incoercible et muette. Tout allait mal, tout se déglinguait et je tombais en morceaux.

Mon frère, que j'adorais, était blessé au loin, mourant peut-être. Devant ma famille, je jouais la futile, sans un souci au monde, pour ne surtout pas ajouter à leur inquiétude, quand l'angoisse pour lui me déchirait. Je lui en ai voulu quand il m'a écrit, à moi seule, de sa pauvre écriture tremblante de souffrance, qu'on allait peut-être l'amputer; je lui en ai voulu de s'appuyer sur moi malgré ma jeunesse, à peine sortie depuis quelques semaines d'une enfance surprotégée, de me faire porter malgré ma faiblesse le poids de son angoisse, que je me sentais si incapable d'assumer et ne m'autorisais pas à partager avec d'autres. Peut-être parce qu'il me croyait la moins sensible, la moins susceptible de trop souffrir pour lui ? Reproche muet et fugitif bien sûr, car même si cette explication avait été la bonne, je cherchais à le tromper lui aussi : futile, sans un souci au monde... Je n'y ai alors plus vu que la confidence, sa confiance qui me touchait profondément, je n'en ai eu que plus de tendresse pour lui. Mais je n'ai pas pour autant compris qu'il me connaissait mieux que je ne le croyais... et surtout mieux que moi-même ! Qu'il avait confiance en moi, lui.

C'était le début, quand déjà je ne savais pas qui j'étais, perdue, paumée, et comédienne.

Et puis trente ans de plus, trente ans de masques, de gentillesse et de sourire parfois brutalement fracturés par un séisme quand je n'y arrivais plus, trop dépressive et honteuse de l'être. Trente ans à vouloir me mettre à la place des autres, à toujours privilégier leurs besoins et nier les miens, trente ans à faire ce que je pensais devoir, en haïssant mon égoïsme lorsque je n'y arrivais pas, à espérer peut-être aussi me faire aimer pour cela ?... Raisons pures ? Motifs troubles ? Souffrance. Solitude effroyable enfermée dans ma tête. Trente ans à me conformer à un idéal de camelote, à me contorsionner pour correspondre à ce que j'aurais voulu être, à me nier, à m'étouffer, à me fuir.

La moitié d'une vie passée à ne pas oser être spontanée, à ne jamais me confier, à dresser une barricade infranchissable autour de moi, derrière ma façade lisse et douce ou plutôt qui se voulait telle.

Puis, il y a quelques années, une amie-bulldozer a commencé à foncer dans les épines, à forcer le passage. Depuis, peu à peu, de temps en temps, j'ose me confier, simplement dire "ça ne va pas". Ca ne se passe pas sans casse, sans fracture parfois. Pétage de plombs, tentative de suicide (pas la première mais la plus efficace et... la plus féconde). Finalement ça passe ou ça casse, l'armure se lézarde, la peau nue est à vif, reçoit quelques coups mais sent un peu la brise, la prison se fissure.

D'autres gros morceaux (les derniers ?) sont en train d'exploser, les plus solides sans doute, les plus bloquants aussi. Toute cette image fausse de mon moi idéal, la petite sainte que je m'efforçais d'être, peut-être sans vouloir/pouvoir croire que moi, juste moi, était acceptable, que n'être pas parfaite n'est pas un crime, que tendre vers un idéal (qui a plus ou moins remplacé celui, trop mal taillé, que m'avait imposé ma mère) ne vaut peut-être pas mieux qu'aller simplement vers les autres, ou au moins les laisser approcher, en n'ayant à offrir que ce que l'on est.
Des morceaux qui ne peuvent continuer à disparaître qu'avec un peu de confiance en moi, d'acceptation de moi-même, sans me haïr ni me mépriser, pour ne plus m'effondrer en larmes quand on m'a manifesté de la sympathie en hoquetant lamentablement "Mais pourquoi je me fais ça ?!" car je viens de réaliser, fugitivement hélas, qu'on peut m'aimer mais que je l'interdis, parce que je n'arrive pas à y croire et que j'ai peur. Ca te rappelle quelque chose, Anne-Marie, ma précieuse amie ?

D'où cette révolte de la Lune ronde (et oui, elle n'a pas qu'une face), ce spasme de "J'en ai marre ! Ca suffit !!!", ce besoin soudain de crier que j'ai le droit d'être moi-même et le devoir de l'accepter, même si ça ne correspond ni à mon modèle intérieur, ni à celui que propose (impose ?) la société. Parce que c'est ma seule chance de survivre.

15 commentaires:

  1. "en n'ayant à offrir que ce que l'on est"...
    Mais n'est-ce pas là, justement, le plus beau, le plus merveilleux des cadeaux que l'on puisse faire ? puisque dans ce "que" il y a le joyau pur, l'essence même de l'être, qui s'offre sans fausse pudeur ni fausse honte, qui s'offre sans fioriture ni masque, mais se Donne dans la vérité même de sa propre expression...
    La Lune n'est jamais aussi belle que quand elle dévoile ses faces cachées ;-)

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  2. Il arrive qu'un masque puisse rehausser la beauté de l'âme de la personne qui la porte. Donc ne fait pas tomber tous les masques.

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  3. Effectivement, une explication de texte s’imposait… En tout cas pour moi, car, comme tu le sais, je ne suis pas très à l’aise avec la poésie. Il ne me restait, à la lecture de « La lune est ronde et se révolte » qu’une impression de mal-aise, de lutte acharné, de ras-le-bol salvateur… J’en restais d’ailleurs coi tant cette impression était forte, bien que confuse.
    Après re-re-relecture de ce cri que tu nous lances, j’y vois une similitude avec ma propre histoire et mon propre cheminement… (N’avions-nous pas déjà décelé chez l’autre une communion de la sorte ? Je crois que oui.) C’est pourquoi je me permets de te lancer, comme ça, à la volée, un encouragement tonitruant : Vas-y ma vieille ! Fonce !
    Tu es, j’en suis intimement persuadé, sur la bonne voie. Celle qui conduit à l’acceptation et à l’estime de soi. Car estimable tu es. Je sais par expérience qu’il ne sert à rien de te le répéter à l’envie, seul compte le fait que tu en sois sure. Les éponges que nous sommes sont bien en mal de supporter toute la misère des autres sans péter un câble… Ce qu’il faut c’est apprendre à SE faire passer avant elle. Et tu en prends le chemin ma Fantomette ! Bonne route…

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  4. Très émouvant ce texte poétique, il s'y dégage une résonance d'une telle vérité, d'une telle sincérité...et puis comme toi, je comprend que trop bien d'être une éponge ! où que je sois, il y a toujours quelqu'un que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam qui me raconte sa vie...A jolie Lune, j'aime décidément toutes tes facettes, et je t'encourage à aller plus loin dans ta lutte personnelle...Bizzes amicales !

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  5. ** Zefyrane, tu as mille fois raison ! Qu'y a-t-il de plus beau qu'une vraie communication d'être à être, sans masques précautionneux ? D'offrir sans condition ce qu'on est fondamentalement, le donner sans rien attendre et accepter les risques. J'espère qu'il ne t'a pas fallu aussi longtemps qu'à moi pour le comprendre ! Mais je parierais que non ;)

    ** Heuro, voilà une parole encourageante en cette période ou je me débats avec mes masques. Reste à savoir choisir le bon ! Peut-être faut-il qu'il soit une sorte de reflet de l'être profond, un vêtement et pas une armure...

    ** Gwendal, es-tu bien sincère ? "Pas très à l'aise avec la poésie"... et pourtant tu captes parfaitement ce que j'exprime, pas toujours très limpidement pourtant. Nous sommes sans doute sur des longueurs d'onde voisines, mais je crois aussi que tu es un "rouge" nuancé de plein de teintes subtiles ;)
    Il y a des choses qu'il ne sert à rien de répéter (genre "secoue-toi !", "positive !" ou "tu n'as aucune raison d'être déprimé !"), ça fait même plus de mal que de bien, mais je garde précieusement ton estime et ton "Fonce !" car il me soutient dans la direction que je suis et ça, ça aide ! Merci.

    ** Clélia, ça ne m'étonne pas que tu "éponges" toi aussi. Je ne crois pas qu'on puisse être vraiment aussi sensible à l'art (je parle de ressenti, pas d'érudition snobinarde) et ne pas avoir aussi cette sensibilité humaine que les âmes en peine reniflent à trois kilomètres. A moins que ce soit des phéromones ? ;)
    Merci pour ton amitié et ton soutien !
    Bisous :)

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  6. La lune , comme la Vie , passe par plusieurs phases .
    La lune a une face cachée ,mais surtout plein de facettes encore à découvrir et à explorer.
    L'éclat de la lune est une lumière qui dérange...
    ...pas facile d'être soi....si facile pourtant.

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  7. Lorsque j'étais plus petite j'ai vécue l'exclusion à l'école primaire mais les autres filles venaient me voir pour pleurer ou pour chercher du réconfort et il y en a une qui m'as dit:
    "Ce qui est bien avec toi c'est que tu console bien"

    Alors je comprend ce que tu devais ressentir vis à vis de toute ces confidences.
    Par contre j'ai sue devenir plus forte et plus expressive même si je me suis énormément écrasée pendant une grande partie de ma vie.
    Maintenant j'ai un sale caractère *sourire*, aller courage tu y parviendras.

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  8. Merci Lait-ah, je vais essayer de ne plus être trop "éponge". Et à vrai dire, j'ai des dispositions pour le sale caractère ;) C'est bon signe !

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  9. (info)Bulle, je t'avais zappée :(
    Je n'avais pas pensé au côté "phases", c'est une image à retenir, surtout quand on passe par une phase sombre ! en pensant au retour de la lumière, même dérangeante.

    PS : merci d'avoir pensé à te différencier :) Infobulle est unique !

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  10. j'ai lu le texte mais je serais incapable de commenter, Suzanne est trop concernée par toutes les faces de la lune même les plus privées.

    Je t'embrasse

    ps: clin d'oeil modeste et ridicule sur les cahiers

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  11. Ton commentaire ne peut être qu'une petite parcelle de connaissance en plus, traduite en pensée, en actes, derrière les mots sur la pluie ou le beau temps, au fil des jours... Tant que ce n'est pas une fuite ! ;)

    PS : je viens de savourer ton clin d'oeil. Modeste ou ridicule ? Surtout délicieux jeu avec le paradoxe, j'adore ça :)

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  12. Ce qu'il peut y avoir de "lunaire" chez le fantôme de lune je pense le comprendre un peu mieux même si ça m'a parfois inquiétée comme on l'est toujours pour ou par ses proches.
    Je ne pense pas que mon refus de laisser un commentaire soit une fuite, je crois que j'accepte très bien d'être "lunaire" moi aussi (même 007 ne ferait pas mieux).
    Pour être honnête j'ai eu les yeux mouillés à la lecture de ton texte mais ce sont les détails relatifs à ton frère qui m'ont touchés.

    bisettes

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  13. Ce texte est vraiment le corollaire du poème qui suit. S'accepter, s'accepter surtout tel qu'on est.

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  14. prends soin de toi... et si pour cela il faut être moins douce, moins jolie, cela n'a pas d'importance, puisqu'avant tout il faut ETRE.
    je t'embrasse

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  15. Quant à la beauté, elle s'affiche trop sur nos murs, une prétendue beauté qui oublie celle de l'âme, une beauté qu'on nous impose sans retenue .... Marre de tout cela, la beauté ce n'est pas cela !!

    Prenons une belle photo, des cocotiers qui longent une plage aux eaux turquoises, regardons cette belle photo, 10 mn, une heure, dix heures... La beauté devient chiante quand elle ne donne pas plus que sa beauté intrinsèque !!!
    La beauté ce n'est pas cela, la beauté c'est l'échange, le point de vue, la mouvance, le changement...

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